Club Sang

Profitez de toutes nos fonctionnalités et bénéficiez de nos OFFRES EXCLUSIVES en vous inscrivant au CLUB.

JE REJOINS LE CLUB SANG

Ça restera comme une lumière - L’interrogatoire de Sébastien Vidal

Bepolar : Comment est née l’idée de votre roman, Ça restera comme une lumière ?
Sébastien Vidal : ce roman est né comme les autres, d’une scène que j’avais dans la tête. Pour tout dire, j’ai toujours au début, une scène qui m’apparaît. Je ne sais rien d’autre que ce que je vois de cette scène. Il y a souvent un ou plusieurs personnages, mais c’est surtout une question d’atmosphère. Cette « vision » est tellement puissante qu’elle reste longtemps, alors au bout d’un moment, si elle est toujours là, je me dis qu’il y a quelque chose à en tirer. Une scène qui va devenir un roman possède une force et une puissance que je reconnais immédiatement.
Pour Ça restera comme une lumière, tout à vraiment commencé un jour où je revenais de chez un excellent ami. Il m’arrive d’écrire de petits textes de quelques lignes, si je les trouve publiables, je les dépose sur ma page facebook auteur (Sébastien Vidal auteur) en général illustrés par une photo que j’ai prise ou que je suis allé pêcher sur le vaste internet. Donc un jour, alors que je revenais de chez cet ami, les premières phrases d’un texte me sont venues. Je n’avais rien pour les noter, je ne voulais pas les perdre alors je me les suis répétées en boucle jusqu’à mon domicile. Une fois arrivé, j’ai écrit ce texte qui parlait d’un forgeron et de son art, d’une traite. Ensuite, j’ai cherché une image pour accompagner le texte sur ma page auteur. Je suis tombé sur une photo sublime, il y avait une enclume, un marteau à bout pointu, des braises fabuleuses, une atmosphère incroyable. Cette photo m’a étalé ! C’est précisément cette image qui a fait naître quelques minutes plus tard la première scène que j’ai eue, celle où je voyais un homme marcher dans la nuit, sur une route entre deux rideaux d’arbres, et au fond, en point de mire, il y avait un brasier, et je voyais une silhouette sombre penchée sur ce feu et agiter des outils, et j’entendais un marteau battre le fer.

Bepolar : Parlez-nous de Josselin et d’Henri. Qui sont-ils ?
Sébastien Vidal : Josselin est jeune homme de 27 ans. Ses parents le destinaient à des études de droit ou médicales, lui désirait écrire. Il a tout plaqué et s’est engagé dans l’armée. Peut-être un réflexe d’indépendance ou d’esprit de contradiction. En opération extérieure, ce que l’on appelle dans le jargon les OPEX, il est gravement blessé. Il perd un œil et son meilleur ami, Erwan. À ce moment de sa vie, il est désabusé et désenchanté. Il ne peut pas rester dans le service opérationnel et n’en a de toute façon plus envie. Il quitte l’armée aux prises avec un syndrome post-traumatique carabiné. Il est brisé, handicapé, il a perdu toute confiance en lui et est sujet à des accès de violence impressionnants ainsi que des crises qui font remonter des visions extrêmement pénibles. Il lui faut se soigner et se reconstruire. Il se souvient d’un été merveilleux qu’il avait passé avec un copain du lycée, dans la résidence secondaire des parents de celui-ci, dans un endroit un peu perdu qui s’appelle Missoulat. Il y avait été très heureux durant deux mois, avec son pote de lycée et aussi deux autres jeunes du coin. Son instinct lui dicte de revenir là-bas, que c’est à cet endroit que ça doit se passer. Sur place, par un concours de circonstances, il fait la connaissance d’Henri, un sexagénaire forgeron et sculpteur. Ça va tout de suite coller entre eux. Parce qu’ils sont meurtris tous les deux, parce qu’Henri a lui aussi refusé de suivre la voie tracée par ses parents. Parce qu’ils sont seuls et qu’ils ont un besoin vital de présence humaine. Ils sont tous les deux à un tournant de leur vie, et je crois qu’ils en sont conscients. Henri est un homme rude mais au bon cœur. Malgré son allure, il n’a pas le profil classique de l’ancien que l’on imagine, ce n’est pas un taiseux. C’est d’abord un homme dévoré par sa passion, la sculpture, et un homme dévasté par la perte.

Bepolar : C’est une histoire d’amitié entre ces deux-là (et d’autres) mais aussi de combat face à un riche patron d’usine qui veut s’accaparer des terres. Qu’aviez-vous envie de dire avec ce livre ?
Sébastien Vidal : Hervé Le Corre dit que le roman noir est une forme poétique de la souffrance humaine, du désarroi et de la violence. Je suis entièrement en accord avec cette définition. Ce qui m’intéresse depuis que j’écris, ce sont les relations humaines, les défauts des uns et des autres, les sentiments qui les animent, et comment chacun fait ses choix, en fonction de quels critères (éducation, vécu, circonstances, traits de caractère, pulsions etc…). Précédemment, dans mes trois polars parus aux éditions Lucien Souny, j’avais exploré ces méandres, ce que j’appelle « les sentiments noirs ». C’est une matière infinie en elle-même et qui est multipliée par le nombre d’individus, chacun étant unique et réagissant différemment d’un autre face à une même situation ou tentation.
Donc des travers comme la cupidité, la convoitise, la rancune et la vengeance m’intéressent au plus haut point. Thévenet, le riche capitaine d’industrie, est un homme cupide et violent. Son orgueil est démesuré, aux antipodes de sa capacité d’empathie et de compassion. On peut dire qu’il est manichéen, mais c’est volontaire de ma part, il y a des gens comme ça. C’est là que le volet social entre réellement en scène, parce que dans un monde tel que le nôtre, ou toute la planète est corsetée dans un système ultra capitaliste, des hommes comme Thévenet possèdent un pouvoir de nuisance phénoménal, parce qu’ils sont riches ils détiennent le pouvoir, parce qu’il y aura toujours des gens dénués de convictions et de valeurs morales pour se mettre à leur service en échange d’un salaire moins mauvais que les autres, d’une protection, d’avantages, d’une vie confortable, de passe-droits. Sans ces individus à son service, ceux que j’appelle les « idiots utiles », Thévenet ne serait pas grand-chose. Ces profils de collaborateurs soumis, (collaborateur leur va comme un gant), ils possèdent le même ADN que ceux qui ont bossé pour Vichy et les nazis, ils sont soit soumis soit ambitieux, ou sans aucune forme d’humanité. Nous les retrouvons aujourd’hui dans toutes les strates de la société, dans les rouages de l’administration, dans les entreprises, ils exécutent des ordres stupides, mortifères, sans logique, qui fabriquent énormément de souffrance, d’injustice et de précarité. Heureusement, il existe aussi des gens qui portent des valeurs, qui se font honneur, comme dit l’enfant à son père dans La route de McCarthy, « il y en a encore qui portent le feu ».

Bepolar : Parlez-nous de Missoulat. C’est un personnage à part entière. Quelle a été la part de documentation ?
Sébastien Vidal : C’est intéressant que vous pensiez cela, ça me montre que j’ai réussi ce que je voulais, sur ce point-là au moins. Dans tous mes romans, les paysages et le territoire tangible sont des personnages. Parce que je suis convaincu que nous sommes façonnés, en tant d’individus, par l’endroit où l’on vit. Les lieux possèdent un caractère, bien sûr ils n’ont pas de pensées, de but comme nous, ils n’intriguent pas, mais ils ont un caractère, ou des caractéristiques. Et cela influe sur nous, sur ce que nous sommes, l’endroit où nous avons grandi détermine en partie notre personnalité et une partie de notre personnalité. Je prends souvent cet exemple : le même individu, face à un même évènement, ne réagira pas de la même façon s’il vit dans une vallée isolée et encaissée qui ne reçoit le soleil que deux heures par jour ou s’il se trouve en bord de mer avec un horizon à perte de vue qui reçoit des palanquées de touristes. Ça change la donne.
Cela dit, pour Missoulat, je ne me suis pas documenté, j’ai tout inventé. La tourbière, la ville, la rivière poudrée, le dôme, tout. Lors de l’écriture de ma trilogie, les histoires se déroulaient en Corrèze, avec des lieux existants et vérifiables. Cette fois-ci, je tenais à sortir de ma zone de confort, créer de toute pièce une région, être Dieu en quelque sorte. C’est très excitant.
Évidemment, Missoulat est un hommage à ces écrivains qui m’ont nourri, fait rêver, les James Lee Burke, Jim Harrison, Richard Hugo, l’école du Montana, Chris Offutt aussi, même s’il est du Kentucky, il a écrit notamment Le bon frère qui se passe à Missoula. Et ces auteurs des grands espaces, comme Rick Bass, Ron Rash, Pete Fromm, Dan O’Brien ou Louise Erdrich. La liste n’est pas exhaustive.
En revanche, je me suis beaucoup documenté sur la monophtalmie, pour me mettre dans la peau de Josselin. J’ai rencontré une personne qui souffre de ce problème, elle a su me faire ressentir ce qui se passe quand on n’a qu’un œil qui fonctionne. Au début du roman, dans les scènes qui concernaient Josselin, j’écrivais avec l’œil droit fermé, pour mieux être dans le personnage. Je peux vous dire que taper sur un clavier avec un seul œil n’est pas une chose facile. Au bout d’un moment, c’était bon, j’étais Josselin. Même chose pour Henri, j’ai rencontré un sculpteur, Christian Cébé. Il m’a ouvert ses portes, chaleureusement, il m’a expliqué comment il travaillait, comment il fonctionnait, m’a laissé manipuler ses outils. Les journées passées avec lui furent très riches et ce fut une très belle rencontre.

Bepolar : On passe un peu par toutes les émotions en tant que lecteur. Comment avez-vous construit votre roman ?  
Sébastien Vidal : Je ne construis pas forcément mes romans, je veux dire que ce n’est pas une volonté délibérée. Quand je commence à penser à un roman, j’ai la scène du début, ou la scène qui accouchera du début. Ensuite les personnages se pointent les uns derrière les autres, ils défilent devant moi. Chaque jour ils s’affinent un peu plus, ils prennent de l’ampleur et de l’épaisseur. Ce sont vraiment les personnages qui décident de l’histoire. Je ne connais jamais la fin avant d’y parvenir. Dans un roman, il faut distinguer l’Histoire et l’Intrigue. J’ai beaucoup de respect pour la première et je ne considère pas la seconde comme indispensable. Les personnages font des choses, provoquent des évènements, c’est l’histoire. Ensuite il peut survenir des interactions entre les évènements, des choses qui surgissent d’elles-mêmes et ça peut éventuellement constituer une intrigue. Je ne crois pas qu’on puisse écrire un bon roman à partir d’une intrigue. Donc je m’attache aux personnages, je les aime tous, les gris clairs comme les gris foncés, parce que personne n’est blanc ou noir, nous portons le bon et le mauvais en nous, et nous sommes seuls à décider ce que nous en faisons. Pour répondre plus précisément (parce que je sens bien que je digresse arf arf arf), je conçois un roman avec des moments de tension, des phases où ça s’accélère, puis des périodes de calme durant lesquelles tout redescend, ces dernières sont particulièrement favorables pour faire passer des émotions, faire avancer une relation entre des personnages. La construction ressemble à un massif montagneux, des hauts, des bas, et ils ont tous leur importance. Je suis un gros lecteur, et rien ne m’épuise autant qu’un roman tendu comme un arc du début à la fin. J’ai besoin de moments ou l’eau est étale, qu’un papillon passe dans le champ, d’entendre la rumeur du vent dans les ramures. Dans ces replis narratifs-là, on peut insérer des éléments déterminants sur les personnages, sans pour autant créer de remous dans l’eau qui dort.

Bepolar : Quels sont vos projets, sur quoi travaillez-vous ?
Sébastien Vidal : Le 25 mars dernier j’ai commencé un autre roman noir. J’ai reçu la première scène il y a deux ans, à peu près au moment où je débutais l’écriture de Ça restera comme une lumière. Comme à chaque fois que je suis en phase d’écriture, j’écris chaque jour (une des règles du Maître, Stephen King, une bonne règle). Le roman se déroule en 1987, il s’articule autour d’une bande quatre jeunes futurs lycéens. Là, je vous ai livré le beau, le sympa. Le moche, le sale, je les conserve au chaud.

Galerie photos

Votre #AvisPolar

Forum sur abonnement

Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.

ConnexionS’inscriremot de passe oublié ?

Bepolar.fr respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. et nous veillons à n’illustrer nos articles qu’avec des photos fournis dans les dossiers de presse prévues pour cette utilisation. Cependant, si vous, lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe constatez qu’une photo est diffusée sur Bepolar.fr alors que les droits ne sont pas respectés, ayez la gentillesse de contacter la rédaction. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.