Thomas Cantaloube a publié il y a quelques semaines le roman Les Mouettes, un livre passionnant dans l’univers du Bureau des légendes ! Interview...
Bepolar : Comment est née l’idée de ce roman dans l’univers du Bureau des Légendes ?
Thomas Cantaloube : À l’origine, il s’agit d’une idée de The Originals Production (TOP), la société de production qui a créé et développé le Bureau des Légendes. Elle cherchait à poursuivre l’aventure de la série, sans nécessairement passer par une sixième saison ou par l’audiovisuel. L’idée a ainsi émergé qu’un roman permettrait de prolonger le même univers tout en se démarquant de la série, à la fois sur la forme (en passant à l’écrit) que sur le fond (en se focalisant sur un autre service de la DGSE).
Bepolar : Comment avez-vous travaillé ? Y avait-il une bible ? Vous a-t-il fallu tout regarder ? Quelle a été la place dans l’écriture des auteurs du Bureau des Légendes ?
Thomas Cantaloube : Il n’y avait pas de bible. Les deux seules contraintes qui m’ont été soumises étaient : 1) écrire un roman en partant du service Action , c’est-à-dire les "commandos" de la DGSE ; 2) respecter l’ADN de la série télévisée, c’est-à-dire rester dans le récit d’un espionnage réaliste, davantage centré sur les personnages, leur psychologie et les procédures du monde des espions. Autrement dit, plus John Le Carré que James Bond. À partir de ce point de départ, j’ai été entièrement libre de créer mes propres personnages et l’histoire que je souhaitais. Aucun scénariste du Bureau des Légendes n’a participé au roman. De mon côté, j’avais vu les cinq saisons de la série lors de leur diffusion et j’ai choisi de revoir un ou deux épisodes, mais pas davantage. À la fois pour une raison de temps (on parle quand même de cent heures de film !), mais aussi parce que cela me permettait de piocher dans les impressions et les souvenirs qui affleuraient encore dans mon esprit quelques années après. C’était pour moi une manière de filtrer le superflu pour ne conserver que ce qui s’était imprimé dans ma mémoire.

Bepolar : Parlez-nous des Mouettes. Qui sont-ils ?
Thomas Cantaloube : Les Mouettes sont le surnom du Service Action de la DGSE, c’est-à-dire les forces spéciales des services de renseignement français. Ce sont des militaires dont la discrétion doit être absolue. Ils interviennent dans des situations où le gouvernement français ne veut pas revendiquer ses actions ni même être soupçonné. On dit souvent d’eux qu’ils sont les éboueurs de la France, chargés de faire disparaître ce qui est gênant ou dangereux en toute discrétion.
Bepolar : On y découvre un nouveau personnage, Yannick Corsan, qui rejoint le Service Action de la DGSE. Qui est-il ? Comment pourriez-vous nous le présenter ?
Thomas Cantaloube : Yannick Corsan est un capitaine de trente-cinq ans qui a rejoint le Service Action après être passé par les forces spéciales de l’armée, un parcours assez classique. Il se trouve à un moment charnière de sa carrière, celui où il doit décider comment poursuivre sa carrière : grimper dans la hiérarchie en s’éloignant du terrain ou revenir à la vie civile. Par ailleurs, il se remet à peine de la mort accidentelle de sa femme 18 mois auparavant, un événement qui l’a fragilisé et conduit à être écarté des opérations.
Bepolar : Il lui faut exfiltrer un agent qui s’est fait une place dans une organisation terroriste qui menace de commettre un attentat au Mali. Comment avez-vous construit l’histoire ? Cela demande pas mal de boulot en termes de recherches géopolitiques, non ?
Thomas Cantaloube : Il se trouve qu’avant de devenir romancier à plein temps, j’ai été journaliste pendant 25 ans, spécialisé dans l’actualité internationale. J’ai notamment couvert plusieurs conflits dans les décennies 2000 et 2010, dont celui au Sahel. J’avais très envie de raconter l’espèce de "mission impossible" qui a été confiée à l’armée et aux services de renseignements français de devoir éradiquer des mouvements terroristes et rebelles disparates dans une des zones les plus hostiles au monde. Je souhaitais aussi démystifier une partie des motivations des djihadistes, dont beaucoup n’agissent que pour gagner leur vie. Je me suis appuyé sur ce que je connaissais et que j’avais vu au Mali et au Burkina Faso, puis j’ai complété par de la documentation et enfin en interrogeant d’anciennes Mouettes. Non pas sur des missions précises, mais plutôt sur les procédures qu’ils suivent, les moyens mis à leur disposition, etc.

Bepolar : A-t-il été facile de se glisser dans l’univers d’autres auteurs ? Vous avez notamment repris certains personnages de la série...
Thomas Cantaloube : Cela a été relativement aisé au sens où la série est une des meilleures jamais écrites. L’univers et ses personnages étaient très bien définis, je n’ai eu qu’à me glisser dedans. Reprendre les personnages de la série était un peu plus délicat, car je ne voulais pas les trahir ni les transformer. Mais, comme ils n’apparaissent qu’en toile de fond, cela n’a pas été si difficile. Si j’avais dû les reprendre comme personnages principaux, je ne crois pas que j’aurais accepté d’écrire le roman. Non seulement parce que j’aurais trouvé ça moins intéressant que de créer mes propres personnages, mais aussi parce que j’aurais forcément été en deçà des auteurs de la série qui ont passé des heures et des heures sur leurs dialogues, leurs attitudes, etc.
Bepolar : Qu’aimeriez-vous que les lecteurs et lectrices retiennent de cette lecture ? Le plaisir de retrouver l’univers ou la force de cette nouvelle histoire ?
Thomas Cantaloube : Les deux, évidemment. Je souhaite que les lecteurs retrouvent la saveur qui leur a plu dans le Bureau des Légendes. Ou que ceux qui n’ont pas vu la série découvrent cet univers. En même temps, je me suis efforcé de ne pas faire une redite ou une sixième saison de la série. J’ai souhaité ouvrir une nouvelle perspective sur le monde de l’espionnage, notamment en travaillant davantage l’action et l’aspect haletant. Et si, en plus, je peux éclairer un peu quelques grandes problématiques géopolitiques, j’aurais réussi mon pari.
Bepolar : Y’aura-t-il d’autres romans dans cet univers ? Sur quoi travaillez-vous de votre côté ?
Thomas Cantaloube : Je suis actuellement en train d’écrire le Tome 2 des Mouettes, qui démarrera juste après la fin du premier tome et qui devrait paraître au second semestre 2025. Je travaille également, en collaboration avec une co-scénariste, à l’adaptation en film des Mouettes.
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Thomas Cantaloube : Que l’on soit dans le genre du roman noir, comme ceux que j’ai écrits à la Série noire, ou celui de l’espionnage, les deux composantes d’un bon polar restent les mêmes de mon point de vue. Tout d’abord, raconter une histoire suffisamment captivante pour que les lecteurs aient envie de tourner page après page jusqu’à la fin. J’essaie de composer cela avec des personnages mémorables et une intrigue forte. Ensuite, je tente d’apporter un second niveau de lecture qui est de l’ordre de la pédagogie, en m’efforçant de faire découvrir au lecteur des choses qu’il ne connaissait pas ou mal : sur la géopolitique, sur l’histoire, sur la géographie, etc.































































































































