- Auteur : Cyril Carrère
- Genre : Policier / Drame, Policier / Thriller, Suspense
- Editeur : Denoël
- Collection : Sueurs Froides
- Date de sortie : 8 octobre 2025
- EAN : 9782207186558
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Résumé :
Rien ne sert de mourir, il faut savoir disparaître...
Un youtubeur spécialisé en True Crime suscite l’engouement en publiant une vidéo sur la Veuve blanche, une tueuse en série ayant terrorisé Tokyo au début des années 2000 et qui avait pour particularité d’assassiner les gens heureux. Junichi Kudo, détective privé, épluche les commentaires sous la vidéo. Il y découvre la mention de crimes très similaires, commis plus récemment. Or la Veuve blanche est décédée depuis quinze ans...
Pour Kudo, dont l’existence est marquée à jamais du sceau de cette femme, le doute s’installe : est-elle vraiment morte ? Afin d’en avoir le cœur net, il s’engouffre seul dans le monde des « évaporés », où la Veuve blanche pourrait avoir trouvé refuge.
Alertée par les associés de Kudo, la cellule Sakura est chargée de le retrouver. Hayato Ishida et Noémie Legrand plongent dans les méandres d’un Japon fracturé et mettent au jour un puzzle funeste, où les fantômes d’hier continuent de hanter le présent...
Sources :Éditions Denoël

































































































































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Aude Bouquine 17 novembre 2025
Le Crépuscule de la Veuve blanche - Cyril Carrère
Après « La colère d’Izanagi », Cyril Carrère poursuit son exploration de la société japonaise dans « Le Crépuscule de la Veuve blanche ». Au Japon, une série de morts brutales finit par dessiner l’ombre d’une tueuse en série surnommée la Veuve blanche. Quelques années plus tard, suite à une vidéo YouTube qui provoque la disparition du membre fondateur de « Total Life Support », une agence de détectives privés, une petite cellule d’enquête rouvre ce dossier. La cellule Sakura, déjà rencontrée précédemment, et ses deux enquêteurs, Hayato Ishida et Noémie Legrand, remontent le fil de deux affaires : le parcours de la Veuve blanche et la disparition de Junichi Kudo. Une occasion parfaite pour Cyril Carrère de photographier la société japonaise et de plonger son lectorat dans un univers envoûtant.
Il est fascinant de savoir qu’au Japon, il est possible de disparaître sans laisser d’adresse, un phénomène qui concerne plus de cent mille personnes par an. le jōhatsu ou disparition volontaire, permet d’échapper à une dette, à des violences dans le cercle privé ou public, ou à une honte (le déshonneur est en effet une disgrâce terrible dans une société où il ne faut jamais perdre la face). Ainsi, il y a dans « Le Crépuscule de la Veuve blanche » la description précise de cette économie parallèle avec ses codes : la yonigeya, personne qui organise la fuite, les faux papiers, les itinéraires, etc. Il s’agit ici de montrer les coulisses des « évaporés », de se mettre dans leurs têtes, au coeur de leurs émotions et de leurs fuites. Souvent, disparaître est synonyme de survie.
Cyril Carrère met ainsi en lumière les invisibles et les fractures sociales dans un pays qu’il connaît fort bien puisqu’il y vit. Derrière une image très policée, il nous ouvre les portes d’un Japon « de l’intérieur ». le paraître vacille, la vitrine de perfection se fissure… et quoi de mieux que le polar pour raconter les angles morts ?
En marge des grandes villes grouillantes survivent des travailleurs précaires et des structures d’accueil de fortune. La clandestinité de ces disparitions volontaires se paie au prix fort, et à travers « Le Crépuscule de la Veuve blanche », une enquête qui commence par une vidéo « true crime », il dépeint une réalité de la société japonaise et démontre combien le droit local protège la vie privée. Cela veut dire qu’on ne cherchera pas celui qui a décidé de s’évanouir. Où sont les limites de ces zones grises entre loi et protection ? Que penser de ces yonigeya qui aident à la disparition ?
Car « disparaître » implique de laisser en héritage des retombées intimes, et souvent empoisonnées. le désarroi de ceux qui restent est immense… « Disparaître » s’apparente alors à une mort symbolique.
« Le Crépuscule de la Veuve blanche » avance sur deux rails parallèles. D’abord, un présent balisé qui se situe en 2024. Ensuite, grâce à des retours dans le passé datés, qui comblent des lacunes, éclairent des méthodes ou révèlent des mobiles. le lecteur voit ainsi l’horloge tourner, et reconstitue, petit à petit, un puzzle qui apparaît assez flou au début du roman. Ce travail sur la temporalité formalise une délicieuse incertitude. Sans créer de confusion, et sans perdre son lecteur, Cyril Carrère joue la carte de la cohérence progressive, et non du twist à tout va. Plus la chronologie se densifie, plus les différents mobiles changent de couleur.
Dans le paysage du polar, Cyril Carrère se distingue par un ancrage documentaire important. le jōhatsu est un système restitué par une écriture précise où les procédures et ses acteurs sont dépeints avec soin. Cette rigueur qui permet de faire évoluer une intrigue criminelle en une plongée socio-culturelle apporte au lecteur francophone quelque chose de dépaysant, mais aussi d’instructif.
On pourrait même dire que « Le Crépuscule de la Veuve blanche » dialogue à la fois avec un lieu, mais aussi avec une époque. le rôle de Genji fait remonter à la surface une affaire oubliée de tous. C’est par une vidéo, des commentaires, une communauté que l’affaire revient dans l’espace public. Et c’est bien révélateur de notre époque…
La mécanique de l’intrigue ne tourne jamais à vide, et c’est ce qui fait sa réussite. « Le Crépuscule de la Veuve blanche » regarde les victimes, les proches, les anonymes, les survivants. le roman sait s’attarder sur les existences minuscules, celles qui ne comptent pas. Là où d’autres écrivains convoqueraient une avalanche d’atrocités, Cyril Carrère suspend le spectaculaire pour faire naître l’empathie.
Ce choix bouscule le lecteur puisqu’il lui est demandé de ressentir des émotions pour une meurtrière qui a tué pour des raisons plus que discutables, mue par un sentiment de jalousie féroce. Remonter l’histoire d’Ayumi pour comprendre la genèse de ses crimes rend possible l’attachement, et c’est grâce à ses relations avec sa fille, qu’elle peut baisser le masque de la cruauté. « Le Crépuscule de la Veuve blanche » maintient le poids des crimes tout en livrant un texte non manichéen : toutes les couches de souffrance de cette femme empêchent le lecteur de se rabattre sur son seul compas moral. Cette sensation, étrange, d’être du côté de la « méchante » permet à chacun de s’interroger sur son empathie. Et c’est là, précisément, que le talent de Cyril Carrère se déploie. Il a mis en place un dispositif narratif qui multiplie les prismes et les points de vue. Ensuite, il a nourri ce mécanisme avec les thématiques précises citées plus haut.
« Le Crépuscule de la Veuve blanche » s’impose comme un polar documenté, humain, qui laisse à voir une autre face d’une même pièce. L’angle des jōhatsu permet à la fois d’informer d’une pratique et de retisser des destins. le montage temporel est d’une belle clarté qui nourrit fort bien le suspense, sans en faire des tonnes. En mettant en lumière ces existences qui ont décidé de vivre hors cadre, dans un Japon policé, Cyril Carrère nous invite à voir au-delà de la surface. Dans le polar français, il apparaît très clairement que Cyril Carrère a trouvé sa patte. Il conjugue avec brio réalisme social, et recherches in situ pour nourrir ses intrigues. J’ai hâte de savoir ce qu’il nous prépare pour la suite. À suivre de très près !
Lou Mael 14 novembre 2025
Le Crépuscule de la Veuve blanche - Cyril Carrère
L’auteur vous propose un polar dans lequel il réussit à conjuguer enquête, voyage et émotion, tout en offrant une réflexion profonde sur la disparition et l’identité.
Dans ce nouvel opus, Cyril Carrère nous entraîne au cœur du Japon, à la rencontre du phénomène des « évaporés » , des disparitions volontaires qui fascinent autant qu’elles intriguent. Chaque année, près de 100 000 Japonais choisissent de disparaître volontairement, coupant tout lien avec leur famille, leurs amis, leur travail, pour recommencer ailleurs. Ce geste radical, souvent motivé par la honte, la pression sociale ou le désir de repartir à zéro, est profondément ancré dans la culture japonaise.
Ce phénomène donne au récit une dimension réaliste et bouleversante, car il s’appuie sur une réalité sociale qui dépasse la fiction. Mais au-delà du mystère, l’auteur explore aussi les conséquences humaines : la douleur des proches, la quête de sens, et surtout la possibilité de se reconstruire.
Après mon coup de cœur pour « La Colère d’Izanagi », j’attendais cette nouvelle enquête de la cellule Sakura avec une grande impatience… et je n’ai pas été déçue. Je connaissais le thème des évaporés, mais je n’avais aucune idée de la mécanique derrière ce phénomène. J’ai donc énormément appris, tout en étant captivée par une intrigue qui redouble d’efficacité.
La construction du récit est toujours aussi maîtrisée : Cyril Carrère distille les informations avec justesse, sans jamais casser le rythme. On se sent guidé, immergé, happé par l’archipel japonais. J’ai eu l’impression de voyager dans des contrées jusque-là inaccessibles, de partager le quotidien de ces personnages, et même de faire partie intégrante de cette communauté invisible.
Ce qui m’a particulièrement touchée, c’est la douceur de la plume. Malgré la dureté du sujet, l’auteur enveloppe ses personnages d’une aura protectrice, comme pour les préserver d’un malheur supplémentaire. Cette délicatesse équilibre parfaitement la tension dramatique de l’intrigue.
Et puis, au-delà de l’enquête, Cyril Carrère aborde des thèmes universels tels que le pardon ou la résilience qui résonnent profondément et donnent au roman une portée émotionnelle qui dépasse le polar. On ne lit pas seulement une enquête, on assiste à un cheminement intérieur, à une lutte pour la survie et la dignité.
Au final, c’est une histoire qui instruit autant qu’elle captive. C’est une lecture marquante, qui laisse une empreinte durable. Merci Cyril Carrère pour toutes ces émotions.
Sophie Grelaud 8 novembre 2025
Le Crépuscule de la Veuve blanche - Cyril Carrère
Tout commence par une vidéo postée par Genji. Elle concerne le parcours de Ayumi Inoue dit "La veuve blanche"
Quand Junichi Kudo, créateur de l’agence de détective TLS, tombe sur celle-ci, il doute... Ayumi, est elle encore en vie ?
Après une dernière affaire avec ses collègues de l’agence, Kudo décide de disparaître pour avoir le champ libre.
Hayato Ishida ne peut pas croire que sa sœur est morte (cf "La colère d’izanagi, le premier tome des enquêtes de la cellule Sakura), il parcourt les postes de police à la recherche d’indices qui prouveraient qu’elle a disparu.
Avec sa partenaire Noémie Legrand, ils se lancent à la recherche du détective.
Quels sont les liens entre Jun et Ayumi ?
Les doutes d’Ishida concernant la mort de Suzuka sont-ils fondés ?
Ce livre parle des disparitions volontaires au Japon. Je ne connaissais pas ce phénomène, et je remercie Cyril pour cette découverte. Comme d’habitude, il a longuement étudié le sujet, il a rencontré des détectives qui recherchent les évaporées et même une yonigeya, ce qui se ressent dans son récit.
J’ai beaucoup appris sur le jōhatsu, c’est passionnant !!!
L’histoire a deux temporalités, une qui permet de suivre la veuve blanche et l’autre qui est de nos jours et qui concerne l’enquête sur la disparition de Kudo.
L’oscillation entre ces deux histoires donne du rythme au récit et le rend très additif.
La fin me laisse penser que nous retrouverons bientôt la cellule Sakura dans une nouvelle enquête et il me tarde déjà de connaître le sujet de celle-ci !!!
Très bon livre, à lire aussi pour découvrir la culture japonaise
Killing79 3 novembre 2025
Le Crépuscule de la Veuve blanche - Cyril Carrère
Après la publication de quelques bons thrillers, Cyril Carrère a eu la très bonne idée d’utiliser le Japon, pays où il vit depuis plusieurs années, en toile de fond de ces nouvelles histoires. Débutée avec « La colère d’Izanagi », cette série s’intéresse dans ses intrigues à la face cachée de pays du soleil levant.
Le dépaysement est une nouvelle fois au rendez-vous. L’auteur nous plonge dans l’ambiance des villes nippones et plus particulièrement dans une pratique singulière de là-bas. Il s’agit du phénomène des évaporés. Après un drame ou parfois seulement une contrariété, des personnes décident, sur un coup de tête ou après mûre réflexion, de disparaître, tout simplement. Afin de les aider pour atteindre cet objectif, des entreprises se sont spécialisées et mettent tout en œuvre pour effacer les individus. La société accepte ce fait et ne cherche pas à aller à l’encontre de ces décisions.
L’auteur base son énigme sur cette particularité de cette région du globe. A travers le destin de différents protagonistes, il creuse son sujet en nous en offrant les moindres détails. Le résultat est bourré d’informations incroyables et a dû demander un travail de documentation important. Grâce à une écriture et une narration maîtrisées, des personnages approfondis et une intrigue aux multiples tiroirs, le récit devient à la fois palpitant et instructif.
Comme l’enquête m’a paru parfois quelque peu extravagante, je retiendrai surtout le fond de cette histoire et toutes les révélations sur les évaporés. Comme il l’a annoncé, Cyril Carrère compte continuer ces chroniques sur le Japon dans d’autres épisodes, pour mon plus grand plaisir. J’attends avec impatience de faire la rencontre avec d’autres originalités culturelles. Et surtout, j’ai hâte de gratter le vernis et de découvrir ce qui se dissimule derrière la façade si attirante de ce pays.
https://leslivresdek79.com/2025/11/03/1068-cyril-carrere-le-crepuscule-de-la-veuve-blanche/
lecturesdudimanche 14 octobre 2025
Le Crépuscule de la Veuve blanche - Cyril Carrère
Quel plaisir de retrouver la cellule Sakura, avec Hayato Ishida et Noémie Legrand ! Deux personnages qu’on retrouve comme de vieux amis (on s’en souvient ici).
Chacun traîne ses fractures, ses fêlures, et un tempérament pas toujours compatible avec la rigueur japonaise… mais diablement efficace quand il s’agit d’élucider les enquêtes les plus tordues !
Noémie élève toujours seule sa fille, au grand dam de sa mère.
Hayato, lui, reste égal à lui-même : obsédé par les disparitions… et par tout ce qui se mange ! Un flic qui carbure autant au riz qu’à l’intuition, capable d’enchaîner les déductions brillantes entre deux bouchées…
Lorsqu’un détective privé de renom, Junichi Kudo, disparaît volontairement, c’est tout un pan du Japon qui se dévoile : celui des « évaporés », ces hommes et femmes qui décident un jour d’abandonner leur vie.
Là-bas, disparaître n’est pas un crime : la police ne s’en mêle pas, et certains en ont même fait un business. Une simple perte d’honneur (un échec à un examen, une dette, un scandale, …) peut pousser quelqu’un à tout quitter. Et croyez-moi, la notion d’honneur ne veut pas dire la même chose de ce côté-là du globe que chez nous !
Mais Junichi Kudo, lui, n’est pas n’importe qui ! Son métier, c’est justement de retrouver les disparus. Alors, pourquoi choisir de s’évaporer ?
Peut-être parce qu’il a, des années plus tôt, perdu la femme qu’il aimait des mains d’une tueuse sanguinaire surnommée la Veuve Blanche… morte opportunément juste avant son arrestation !
Sauf qu’un jour, un youtubeur passionné exhume l’affaire et, dans les commentaires, une phrase sème le doute chez Junichi : et si la Veuve Blanche n’était pas morte ?
À partir de là, Cyril Carrère nous entraîne dans un Japon à double face, entre hypermodernité et traditions étouffantes, où la honte peut tuer plus sûrement qu’un couteau. Ce qu’il fait du concept d’honneur et de la manière japonaise d’affronter la faute ou le deuil pourra surprendre, voire déranger, notre moralité d’Occidentaux. Moi la première, j’ai tiqué, fâchée après moi-même des sentiments que m’inspirait la Veuve Blanche. Mais c’est là toute la force de l’auteur : il ne cherche pas à nous ménager. Il refuse d’édulcorer ou de trahir la culture de son pays d’adoption, quitte à s’exposer à notre incompréhension culturelle.
Et ça, c’est courageux.
Cyril Carrère ne se contente pas d’écrire : il explore, il documente, il s’imprègne. Ses recherches sont fouillées, son respect pour le Japon palpable, et son envie de justesse sincère. On sent le regard de celui qui vit sur place, l’expatrié qui connaît les codes mais garde la distance du témoin. Il n’a pas ménagé sa peine, jusqu’à faire relire son texte par des Japonais, avec l’austérité qu’on leur connaît, histoire d’éviter la moindre fausse note.
Les personnages sont à la hauteur de cette vision : Noémie, qui comprend la culture sans jamais vraiment l’habiter, devient ce miroir du lecteur occidental, partagé entre fascination et incompréhension. Hayato, lui, incarne ce Japon moderne, écartelé entre le devoir et le doute. Quant à Junichi Kudo et à son équipe de privés, ils apportent un souffle nouveau à la dynamique, et j’espère secrètement les revoir dans d’autres aventures. Tous, à leur manière, portent cette même tension entre la rigueur du monde extérieur et la déflagration intérieure des émotions contenues.
L’écriture de Cyril est au diapason de cette dualité. Pas d’esbroufe narrative : le Japon qu’il dépeint n’a rien de la carte postale. C’est un pays de non-dits, d’apparences trompeuses, où la beauté cohabite avec la cruauté du regard social. Et s’il économise parfois les mots, ce n’est jamais au détriment de la tension — bien au contraire, elle monte lentement, inexorablement.
Tout l’intérêt du roman réside dans cet équilibre précaire entre fidélité culturelle et regard universel.
En refusant la facilité, Cyril Carrère signe une œuvre à la fois rigoureuse et sensible, lucide et profondément humaine.
Et franchement, ça fait du bien de lire un auteur qui ose être juste plutôt que consensuel !