- Acteur : Emma Myers
- Nationalité : Grande Bretagne
Une bourgade brumeuse, un meurtre à élucider, des adolescents tourmentés par des secrets trop lourds pour leurs épaules : "Meurtre, mode d’emploi" n’innove clairement pas mais capte le regard. Cette série Netflix réussit assez habilement à détourner les codes du whodunit, brossant dans la foulée un portrait intime et trouble des affres de l’adolescence.
Une bourgade brumeuse, un meurtre à élucider, des adolescents tourmentés par des secrets trop lourds pour leurs épaules : "Meurtre, mode d’emploi" n’innove clairement pas mais capte le regard. Cette série Netflix réussit assez habilement à détourner les codes du whodunit, brossant dans la foulée un portrait intime et trouble des affres de l’adolescence.
Dans une petite ville bordée par une forêt inquiétante, Pippa (Emma Myers), lycéenne studieuse au passé tourmenté, se retrouve mêlée à une affaire de meurtre qui secoue sa communauté. Tandis que l’enquête progresse, elle découvre que chacun de ses proches dissimule quelque chose. Entre le mystère et les conflits personnels, Pippa s’enfonce dans un labyrinthe de mensonges.
Un thriller adolescent bien rodé
Sans bouleverser le genre, "Meurtre, mode d’emploi" se hisse parmi ces thrillers adolescents où l’intrigue policière côtoie le drame intime. Pippa, incarnée par une Emma Myers espiègle et magnétique, se retrouve projetée dans une quête de vérité, avec un meurtre en toile de fond évoquant à certains égards l’obsession méthodique du David Fincher de "Zodiac" (2007). Contrairement à ce dernier, qui plonge dans la traque maladive d’un tueur insaisissable, la série préfère toutefois sonder les secrets de ses personnages. Mystères qui se dévoilent dans une atmosphère lourde, telle une brume épaisse qui plane au-dessus de la forêt, laquelle renforce ici le sentiment de menace et d’incertitude.
Aussi, l’ombre de "It Follows" (David Robert Mitchell, 2014) se répand en filigrane au gré de cette ambiance trouble et isolée. Ici, la menace reste cependant plus diffuse, ancrée dans les peurs adolescentes et ce fragile passage entre l’enfance et l’âge adulte. La série oscille ainsi entre le suspense bien ficelé du polar et l’angoisse existentielle des jeunes protagonistes, pris entre culpabilité et désir de rédemption.
Une galerie de personnages soignée
L’un des points forts de la série réside dans son casting. Emma Myers, par son jeu nuancé, incarne Pippa avec une finesse parfois saisissante. De quoi capturer la dualité d’une adolescente partagée entre son innocence et des dilemmes moraux accablants.
Entourée d’une galerie de personnages méticuleusement construits, à l’image de la meilleure amie rebelle et du solitaire énigmatique, Pippa évolue dans un univers où chaque regard et chaque silence portent un sens. Bien que certaines figures frôlent furieusement-le cliché, le talent des acteurs ancre résolument ces personnages dans la réalité de cette petite ville, ajoutant alors une profondeur émotionnelle à l’intrigue.
Une mise en scène plus efficace que surprenante
La série ne révolutionne rien visuellement, il s’agit au contraire pour elle d’aller à l’essentiel. Sa mise en scène, délibérément classique, s’appuie sur des atmosphères feutrées et des décors intimistes. La petite ville, recluse, cernée par une forêt mystérieuse à la "Twin Peaks", renvoie à un sentiment d’étouffement, d’enfermement. Ce motif récurrent – symbole de l’inconscient tourmenté – cadre avec l’intrigue, qui progresse lentement, en égrainant les secrets à mesure que Pippa s’enfonce dans ses propres doutes.
Les dialogues oscillent entre légèreté adolescente et moments de gravité, créant une tension constante. Rien n’est surchargé : la sobriété de la mise en scène laisse respirer le récit tout en maintenant une ambiance oppressante, accentuée par une bande-son minimaliste et presque équilibrée. La série avance alors au rythme d’un puzzle dont les pièces, bien que très usitées, s’imbriquent avec une certaine justesse, évitant l’écueil du déjà-vu tout en exploitant habilement les codes du genre.
Un sous-texte social bien amené
Sous ses airs de thriller adolescent, "Meurtre, mode d’emploi" esquisse aussi par ailleurs en creux un discours social sur le deuil, le racisme et les relations familiales. Ces thématiques, jamais martelées, se glissent dans les non-dits, les regards fuyants, les mutismes pesants. Le deuil, omniprésent, contamine le dispositif de la série, imprégnant chaque décision des personnages, comme une ombre impossible à dissiper.
Les tensions raciales et discriminatoires, en particulier, surgissent de manière sous-jacente mais non moins prépondérante, ajoutant une certaine profondeur à une intrigue qui aurait pu se contenter de simples ténèbres à mettre au jour. Si ces sujets restent secondaires, ils apportent une densité inattendue au récit, sans sombrer dans le didactisme ou la moralisation. "Meurtre, mode d’emploi" pose en cela des questions sans jamais les clore, laissant au spectateur le soin de prolonger la réflexion.
Loin assurément du coup de maître, la série réussit malgré tout à distiller une aura plutôt captivante, portée par une intrigue bien menée et des personnages qui, sous leurs airs archétypaux, parviennent à surprendre. Un divertissement solide et bien construit, où le clair-obscur programmatique du polar coudoie l’intériorité avec une certaine élégance.