Les "true crimes" constituent assurément des réussites de la plateforme Netflix, mêlant la reconstitution factuelle des événements à une mise en perspective plus globale, le but étant de ne jamais séparer les faits relatés d’enjeux sociétaux, socio-économiques ou psychologiques.
A cette aune, Le Tueur de Times Square intéresse, dans la mesure où la narration des crimes sordides s’extrait rapidement du constat de police, pour envisager les caractéristiques des quartiers où ils se sont produits, en plein centre de Manhattan. Au-delà des assassinats qui s’accumulent et terrorisent la population, le propos se concentre sur la manière dont la prostitution organisée au vu et au su de tous, dans un quartier particulièrement animé, a fragilisé les travailleuses du sexe, en a fait des cibles pour un pervers récidiviste. En effet, à cette période, Broadway est certes l’épicentre des grands spectacles et du théâtre, mais aussi de la drogue et de l’exploitation sexuelle organisée à grand échelle.

La sordide randonnée d’un tueur en série, dont on ignore longtemps l’identité, débute en 1979, à l’intérieur du Travel Inn Hotel, au coin de la 42e Rue et de la Xe Avenue. Deux corps féminins sont découverts par la police, atrocement mutilés. Seule l’une des victimes sera identifiée et le documentaire lui rend hommage par l’intermédiaire de sa fille, qui redonne un visage, retrace un parcours, en somme restitue sa dignité à cette femme exilée de son Koweït natal, contrainte de se prostituer pour survivre. Bientôt d’autres victimes sont découvertes, sans que la police ne parvienne à identifier le responsable de ces crimes.

Les archives d’époque compilées de manière impressionnante, les témoignages variés (de policiers, de journalistes, de prostituées, de l’assassin lui-même), les reconstitutions efficaces de scènes fondamentales confèrent à ce documentaire son caractère immersif. Peu à peu, la piste chemine vers le coupable, dont la terrifiante personnalité constitue le centre du deuxième et du troisième épisode : Richard Cottingham, surnommé le "Torso Killer", est assurément l’un des pires criminels que les États-Unis aient jamais connus.

Le documentaire revient sur le profil de ce tueur, évoque en détail son arrestation au Quality Inn le 22 mai 1980, ainsi que ses agissements antérieurs. Le propos s’avère passionnant dès lors qu’il envisage non seulement la psychologie de cet individu, mais aussi les éléments d’un profilage classique, qui ne correspond pas aux caractéristiques de Cottingham. D’autres enjeux, plus larges, concernant les coordinations des services de police ou les luttes féministes contre le viol et l’industrie pornographique, sont envisagés avec le plus grand sérieux.
Bref, Le Tueur de Times Square est un documentaire hautement recommandable.