"Pénélope Marsh tourne en rond. Elle entend des voix qui lui disent de tuer. Alors, elle tue. Des gens, des animaux. Son passé. Des souvenirs qu’elle ne veut plus, qu’elle n’a jamais voulus." L’Affaire Pénélope Marsh a été une des belles surprises de ce début d’année. Interview de son auteur, Anixa Carrie.
Bepolar : Comment est née l’idée de ce nouveau roman ?
Anixa Carrie : Comme l’histoire de Pénélope commence : en regardant mon lit défait, et en me faisant cette réflexion : les lits en pagaille attirent les cauchemars. Je n’ai pas arrangé les draps pour autant, le désordre a continué d’exister, il a même pris de l’ampleur, dans ma tête, surtout, jusqu’à ma rencontre avec Pénélope, une nuit, dans mon lit défait. Et ce n’était pas un cauchemar, c’était une naissance, le début d’une complicité qui allait me guider vers ce roman, et non le contraire.

Bepolar : Pénélope entend des voix qui lui disent de tuer, alors elle tue. On pense à de la schizophrénie. Qu’est-ce qui vous a donné envie de parler de la maladie mentale ?
Anixa Carrie : A aucun moment, le mot « schizophrénie » n’apparaît dans le roman parce que rien n’est réellement approfondi sur l’état de santé mentale de Pénélope. Il y a des faits et gestes qui se rapprochent de ce mot, mais ils ne sont pas une confirmation. Elle entend des voix imaginaires, elle lutte contre ou les accepte, la plupart du temps. Ce sont des voix violentes en rapport avec ce qu’elle a vécu dans son enfance, certains traumatismes qu’elle a subis. « L’Affaire Pénélope Marsh » est avant tout une histoire de solitude immense, un point de non-retour dans l’abandon, le mal-être, la dépression. C’est une spirale. Là où vous allez peut-être vous en sortir, Pénélope se laisse dévorer. Et puis le personnage « secondaire » qui est la Dodge de Pénélope est un clin d’œil à la Plymouth Fury de Stephen King. Pénélope le dit : « On était comme une famille. » La solitude peut être une gangrène pour certaines personnes. Est-ce que Pénélope tue ceux et celles qu’elle croise pour ne pas se tuer elle-même ? Est-ce qu’en les tuant, elle ne se tue pas elle-même ? Oui, c’est ça, une spirale. Cette envie de raconter ce qui n’est pas forcément visible à l’œil nu. La solitude est un cercueil de verre comme l’a écrit Ray Bradbury. On voit au travers et on ne s’aperçoit de rien, jusqu’au moment où cette solitude décide de se faire entendre par n’importe quel moyen.
Bepolar : Comment vous êtes vous mis dans la tête de Pénélope, pour qu’à notre tour, nous puissions la suivre ? Comment avez-vous travaillé ?
Anixa Carrie : C’est Pénélope qui s’est mise dans ma tête, comme à chaque fois que j’écris un nouveau roman. Le personnage principal s’invite, et je le laisse faire, évoluer. La gestation peut prendre des mois, mais quand le personnage est prêt, je ne quitte plus mon clavier. Comme l’a dit Joyce Carol Oates : « Je n’abandonne jamais une histoire, je la poursuis. » J’ai laissé parler Pénélope chaque jour et chaque nuit. Elle s’est racontée, ne m’a plus lâché. C’est obsessionnel, je ne vis alors que pour le personnage, les situations qu’il m’impose. Je ne pense pas aux lecteurs ou lectrices, parce que de toute façon, le personnage n’y pense pas. Il n’y a aucune entrave. La violence, la maladie, l’humour cynique ou pas, l’amour s’il y en a, chaque situation est retranscrite sans restriction. C’est ensuite, à la fin de l’histoire, quand je la relis, que je me permets de bousculer certaines choses afin que le rythme soit sans accroc. J’aime la vitesse, je n’aime pas les temps morts. Avancer ou disparaître, poursuivre, ne pas abandonner, identique au requin que j’adore.

Bepolar : Est-ce que c’est éprouvant d’aller aussi loin dans la psychologie de son personnage ?
Anixa Carrie : Pour Pénélope, ça l’a été. Elle n’arrêtait pas de se faire entendre. La nuit, je me réveillais et elle me parlait. Je notais ce qu’elle me disait sur des bouts de papier que je laisse toujours au pied de mon lit, au cas où. On était si pressés de se retrouver devant les touches du clavier, que je me répétais : « Ne dors pas plus de quatre-cinq heures. Ça ira comme ça. » Parfois, je dépassais ces heures, et je me magnais à les rattraper face à l’écran de l’ordinateur. « L’Affaire Pénélope Marsh » a été assez vampirique à écrire. On était amoureux. Mais c’était épuisant parce que cet amour était une sorte de duel de par les émotions violentes de Pénélope. Quand le roman a pris fin, j’étais h.s.. Après certaines corrections, je l’ai envoyé direct à mon éditeur. Il fallait que je m’en sépare, si je voulais accueillir un autre personnage. J’ai encore pensé à elle pendant plusieurs mois, puis elle s’est effacée. Ou du moins, elle m’a laissé le champ libre pour rencontrer quelqu’un d’autre.
Je viens de terminer un roman très grindhouse.
Bepolar : On ressent de l’effroi mais aussi une forme d’empathie pour cette jeune femme. Qu’est-ce que vous aimeriez que les lecteurs et lectrices gardent de cette lecture une fois la dernière page tournée ?
Anixa Carrie : Sincèrement, je ne sais pas. Maintenant, l’histoire de Pénélope est au monde extérieur, et le monde extérieur à ses propres idées, son propre ressenti. Je ne suis pas là pour influencer ceux et celles qui l’ont ou vont lire ce roman. J’ai écrit une histoire, je ne fais que ça : écrire des histoires. Je n’ai pas de morale, de message à faire passer. Je ne souhaite pas expliquer telle ou telle chose, comportement… Je raconte des tranches de vie. C’est un besoin, une survie en ce qui me concerne. Comme je l’ai dit, on était amoureux. Alors si, que le monde extérieur ne lui crache pas au visage, ce serait… sympa. Mais on est à l’abri de rien, et tant mieux. C’est l’unique moyen de se reconstruire, sans cesse.
Bepolar : Sur quoi travaillez-vous désormais ?
Anixa Carrie : Je viens de terminer un roman très grindhouse. Je me suis beaucoup amusé à l’écrire. Cette fois, c’était un véritable bol d’air. Pas d’amour entre le personnage principal et moi, mais une amitié à toute épreuve. Une histoire non conventionnelle, anti-héroïque. Il est dédié à Quentin Tarantino et Sergio Leone.
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Anixa Carrie : Un bon cocktail comme un Bloody Mary et un paquet de Bastos à portée de main.






























































































































