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Le Tableau du peintre juif - L’interrogatoire de Benoît Séverac

Bepolar : Pouvez-vous nous raconter la genèse de ce roman ? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire sur ce tableau reçu en héritage ?

Benoît Séverac : Cette idée de roman m’a sauté au visage en 2018 lorsque j’ai hérité d’un tableau peint par un artiste juif, Willy Eisenschitz, et offert par celui-ci à mes grands-parents en 1945 pour les remercier de les avoir cachés dans leur grenier pendant la guerre. Je n’avais jusque-là jamais entendu parler de cette histoire.
Mon premier réflexe, outre l’admiration suscitée par un tel acte de bravoure, a été de me renseigner sur ce peintre. J’ai découvert une œuvre aussi variée qu’intéressante. Eisenschitz était très connu de ses contemporains, ami de nombreux peintres majeurs de l’époque, récipiendaire de la médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1937, acheté par l’Etat français de son vivant etc.
Dans la vraie vie, il a échappé aux Nazis, mais cela ne m’a pas empêché d’imaginer un développement très différent. Le départ de mon roman s’ancre dans la réalité historique, mais rapidement, la fiction prend le relais.

Bepolar : Votre roman part de l’histoire de vos grands parents qui ont hébergés un peintre juif. Même si votre histoire est totalement fictive, est-ce que c’est difficile de prendre de la distance avec l’histoire de sa propre famille ?

Benoît Séverac : Je comprends qu’on se pose la question, mais je n’ai jamais eu de difficultés à utiliser le réel dans mes fictions. Ceci, d’ailleurs, leur confère un caractère très réaliste, d’autant que les thèmes que j’aborde et les péripéties que je fais vivre à mes personnages, ainsi que les décors dans lesquels je les fais évoluer, sont très documentés.
Mais je maquille les gens dont je me sers, je déguise la vérité afin que personne ne puisse être reconnu, voire, que les intéressés eux-mêmes ne puissent pas se reconnaître. Je m’arroge le droit de le faire mais je respecte cette éthique.
Dans le cas du Tableau du peintre juif, Il est vrai que je prends des libertés avec mon grand-père et la vie qu’il a véritablement vécue, mais je pars du principe que, tant qu’il n’y a pas diffamation, la création littéraire à tous les droits.
Il ne faut pas interpréter ma façon de procéder autrement que comme un hommage rendu à ceux qui me font part de leur histoire… Mes proches, en l’occurrence. Je ne suis pas seulement intéressé, je ne me contente pas de les utiliser à des fins romanesques, je les mets en lumière.

Bepolar : La question de la spoliation des juifs pendant la seconde guerre mondiale est une question complexe. Comment vous êtes-vous documenté ?

Benoît Séverac : Je m’intéresse à la question depuis tout petit. J’ai donc lu énormément d’ouvrages à propos de la Shoah, vu autant de documentaires… Pour ce qui est de la question des spoliations et des restitutions, l’actualité nous rappelle constamment qu’elle n’est pas refermée. Elle est même plus ouverte que jamais.
Pour le roman, j’ai aussi passé pas mal de temps au musée de la Résistance et de la Déportation de Toulouse, aux archives militaires d’Avila en Espagne, aux Archives générales de l’administration à Alcala de Henares près de Madrid, au mémorial de la Shoah à Jérusalem… Ne serait-ce que pour comprendre qui fait quoi, dans quelles conditions un usager peut consulter le fonds etc.
Je suis fasciné par les deux guerres mondiales qui ont eu lieu au cours du 20ème siècle en ceci qu’elles représentent chacune un point de non-retour, un événement irrémédiable pour lequel on peut dire qu’il y a un avant et un après. Des actes d’une lâcheté et d’une cruauté inégalées y ont été commis, ainsi que des actes d’une bravoure fantastique, qu’elle soit discrète ou spectaculaire. En tant que romancier, il est naturel que je m’intéresse à ces moments où des êtres ordinaires sont plongés dans des circonstances extraordinaires, et que j’observe la façon dont ils se débattent dans ce maelstrom, en essayant de conserver moi-même une attitude dénuée de jugement, nuancée, et qui permettent au lecteur de s’identifier à tous les acteurs du drame, ou en tout cas d’entrer en empathie avec eux et, ainsi, de comprendre leurs motivations.

Bepolar : Stéphane est au départ un garçon ordinaire, avant qu’il ne récupère ce tableau. Qui est-il à vos yeux ? Comment le présenteriez-vous ?

Benoît Séverac : « Ordinaire » est un euphémisme. Il est peu aimable, à vrai dire. C’est un antihéros. Il est un peu geignard, un peu perdu, un peu démotivé… Il surnage au creux de la vague. Son couple bat de l’aile. Il n’est pas nécessairement empathique envers son épouse, pas non plus très généreux ou chaleureux… Je dirais qu’il ressemble à de nombreux hommes qui font leur crise de la cinquantaine, mus par des intentions qui ne sont pas toujours aussi bonnes ou avouables qu’ils le pensent.
Encore une fois, je ne me permets pas de juger. Sans l’épargner, je lui trouve des raisons. Je pourrais presque me reconnaître dans ce portrait pathétique.
Mais au moins, Stéphane, tout au long du récit, fait un cheminement qui lui permet de grandir. Ce n’est pas donné à tout le monde. Au fond, ce roman est un roman initiatique, un peu à la manière d’un road-movie. D’ailleurs, le roman est construit comme un road-movie : on avance, on voyage, on passe d’un point A à un point B, on suit le personnage dans sa quête.

Bepolar : Cette histoire passionnante, on la découvre à travers l’enquête de Stéphane pour découvrir comment ce tableau est réellement arrivé dans sa famille. C’est une histoire qui passe aussi par un Ephad et qui croise entre autre l’histoire de l’Espagne, passage important pour certains juifs en fuite à l’époque. Comment avez-vous construit votre roman ? On imagine un écheveau minutieux et des dizaines de post-it ?

Benoît Séverac : Le roman est très linéaire, parce qu’il suit un voyage dans le temps et l’espace que j’ai moi-même effectué. Pour une fois, je ne me suis pas lancé sur les traces de mon personnage principal, mais je l’ai devancé. Dès que j’ai su les différentes aventures que j’allais lui faire vivre, je suis parti en Israël, dans les Cévennes, dans les rues de Toulouse, à travers les Pyrénées, à Madrid… pour les vivre moi-même.
Ce roman fut avant tout un voyage pour moi, au cours duquel je notais tout en permanence, ce que je voyais et entendais, ce que je ressentais… Sachant que c’était là ce que mon personnage allait vivre et ressentir et que j’allais devoir écrire. Tout pouvait servir, ce qui m’a rendu la tâche très facile.
J’ai adoré écrire ce roman mais n’ai pas tellement eu recours au post-it, non.

Bepolar : Quels sont désormais vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?

Benoît Séverac : Mon prochain roman noir ado sort le 9 février 2023 aux éditions Syros. Il s’intitule Les sœurs Lakota. C’est un road-movie (encore un !) qui raconte la fuite de Pine Ridge jusqu’en Californie de trois sœurs Oglala Lakota (des Sioux, comme nous les appelons à tort).
J’y évoque la question du racisme institutionnel envers les Premiers Américains aux USA, des conditions de vie dans les réserves indiennes et notamment des violences faites aux femmes. Mais rien de misérabiliste. Ces trois adolescentes sont des leçons de vie et de positivisme. Elles refusent la fatalité et veulent faire mentir les statistiques.
Sinon, je suis en train d’écrire un nouveau roman noir adulte, mais il est trop tôt pour en dire quoi que ce soit.

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