- Acteurs : Lily Gladstone, Riley Keough
- Séries : Under the Bridge
Under the Bridge
De : Samir Mehta, Liz Tigelaar
Avec : Lily Gladstone, Riley Keough, Vritika Gupta
Genre : polar, drame
Année : 2024
Pays : États-Unis
Classique tout en étant subtilement écrit et interprété, "Under the Bridge" se joue des évidences pour dépeindre avec un certain brio les cruautés de l’adolescence.
Au Canada dans une petite ville du nord-ouest, en 1997, une jeune lycéenne du nom de Reena Virk disparaît mystérieusement. Huit camarades sont très vite soupçonnés et interrogés par la police…
Tirée du roman éponyme de l’autrice canadienne Rebecca Godfrey, la série "Under the Bridge" remplit toutes les exigences classiques du feuilleton policier. Disparition inquiétante, mise en scène fuligineuse, personnages écorchés… on retrouve là les matrices des polars canoniques. Nulle volonté apparente ou induite de trancher avec les grandes composantes et ficelles du genre, "Under the Bridge" déroule une rhétorique bien connue du spectateur. Il en va par exemple du rapport résolument heurté à la chronologie des événements, puzzle (typique depuis "Le Grand Sommeil") que l’on se plaît ici à assembler ou défaire au fil de l’intrigue. Confort délibéré qui permet au scénario d’avancer sans ambages, se concentrant notamment sur l’essence des protagonistes.
Ainsi, deux regards plus ou moins antagonistes polarisent "Under the Bridge", s’affrontant et s’épaulant autour du drame : d’une part celui de la policière roublarde Cam Bentland, d’autre part celui de la jeune écrivaine, empathique et effrontée, Rebecca Godfrey. Pour comprendre les tenants et aboutissants de la disparition de Reena Virk, adolescente indo-canadienne, les deux personnages - d’anciennes grandes amies séparées depuis la fin de leur adolescence - investiguent. Ces deux enquêtes entrelacées, à la fois indépendantes et inséparables, se nourrissent des différents témoignages - des vérités, demi-vérités et mensonges - énoncés par les témoins du drame et proches de la victime. Autant de confrontations de points de vue et de visages elliptiques qui distillent une polyphonie singulière dans "Under the Bridge".
Si le suspense joue souvent un rôle essentiel dans la série, celui-ci ne détermine pas tout. Car ce qui donne surtout sa matière à"Under the Bridge" se niche d’abord dans l’épaisseur et dans les doubles-fonds des personnages - lesquels, sans surprise, s’affranchissent à mesure que la vérité sort de l’ombre. Chacun d’entre eux ou presque (de Cam à Josephine en passant par Rebecca, Reena ou encore Kelly) se révèle traversé d’une manière ou d’une autre par le tragique. Il peut s’agir d’un déterminisme social implacable ou d’une discrimination plus ou moins latente (racisme, homophobie…). Cette mini-série en forme de « true crime » a beau se dérouler en 1997, elle n’en éclaire en cela pas moins une réalité ombrageuse et toujours d’actualité.
Le manque relatif d’originalité d’"Under the Bridge" ne saurait estomper ses fulgurances. Les formidables interprétations des actrices, avec en tête les jeux hantés de Lily Gladstone et Riley Keough, propulsent souvent la série là où on ne l’attend pas, ou pas loin. Même constat devant les atermoiements et débordements de l’adolescence, plus vrais que nature, auxquels se voit confronté la quatuor fatal formé par Reena, Joséphine, Kelly et Dusty. L’expression de la cruauté ordinaire, qui se répand comme un virus entre les jeunes filles - par mimétisme et par conformisme -, traduit quelque chose d’effroyablement plausible et qui illustre bien le glissement insidieux du harcèlement. En la matière, les performances des jeunes comédiennes (Chloe Guidry et Izzy G., notamment), dans leurs explosions refoulées ou extériorisées, silences et regards qui en disent long, stupéfient.
La série "Under the Bridge" est disponible sur la plateforme Disney+.