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L’interrogatoire de Michaël Mention pour de Mort Lente

Bepolar : D’abord comment est née l’idée de De mort lente ?
Michaël Mention : Ça faisait un moment que j’entendais parler des perturbateurs endocriniens, comme tout le monde, au détour d’un JT ou d’une discussion. Une nuit, je suis tombé sur un documentaire consacré au sujet, à savoir les composés chimiques présents dans notre quotidien (alimentation, mobilier, produits d’entretien) dont la combinaison a souvent un impact sur notre organisme : cancer, diabète ou encore malformations congénitales.

Dans ce documentaire intervenait l’endocrinologue Barbara Demeinex et ses propos alarmants m’ont conduit à me documenter. J’ai lu plusieurs de ses ouvrages, ceux d’Annie Thébaud-Mony, sociologue de la santé, des journalistes Stéphane Horel et Stéphane Foucart, spécialisés dans les questions environnementales au Monde. J’ai accumulé les données - accablantes - et l’axe narratif s’est vite imposé avec les personnages. À ce jour, De Mort lente est mon roman le plus humain, le plus viscéral.

Un sujet qui génère autant de vérités que d’intox, où chaque multinationale, chaque institution défend ses intérêts.

Bepolar : Vous parlez des perturbateurs endocriniens qui nous pourrissent la vie. Qu’est-ce qui vous intéressait dans ce sujet ?
Michaël Mention : Nous sommes tous concernés, c’est un sujet universel. À travers lui, j’avais la possibilité de bâtir un récit mêlant famille, science, journalisme. De la première à la dernière page, j’ai veillé à ne jamais verser dans le complotisme, affirmant uniquement ce qui était avéré, références à l’appui. Ça m’a conduit à creuser davantage les personnages, en particulier Philippe, expert à la Commission européenne.

Dans le roman, j’évoque des faits qui relèvent d’un véritable scandale sanitaire, mais aussi certaines interrogations, notamment sur l’explosion des cas d’autismes à travers le monde. Ce sujet me tient à cœur, ayant été AVS auprès d’un enfant atteint de troubles autistiques. J’ai abordé le sujet dans son quotidien, la souffrance de l’enfant isolé, l’usure des parents entre isolement et marasme administratif. Les personnages de Marie et Nabil sont comme vous et moi, ils se posent des questions légitimes : De mort lente est né de leurs interrogations, il ne me restait plus qu’à bâtir la « réponse » du lobby de l’industrie chimique. Et là, comme on dit, la réalité dépasse la fiction.

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Bepolar : Quelle a été la part de documentation, que ce soit scientifique mais aussi politique ?
Michaël Mention : Considérable. Jusqu’ici, je pensais que Power était mon roman le plus documenté, puis il y a eu De mort lente… un sujet qui génère autant de vérités que d’intox, où chaque multinationale, chaque institution défend ses intérêts. J’ai passé beaucoup de temps à tout clarifier, le thème des perturbateurs étant particulièrement diversifié : molécules, études, pathologies, sans compter la guerre entre scientifique et industriels, tout cet aspect bureaucratique qui a une incidence sur nos vies. En clair, pendant que ça bataille en haut-lieu, ça souffre et ça crève en bas. Et encore, je n’évoque le sujet qu’à travers la Commission et le sort de cinq cent millions d’européens. Mais le sujet est bel et bien mondial, c’est ce que j’ai dépeint à travers Marie, Nabil, leur fils Léonard, Philippe et Franck. Une famille, un scientifique et un journaliste : cinq personnages, incarnant chacun un aspect de cette vaste thématique.

Ee qui est intéressant avec ce lobby, c’est qu’il fonctionne comme une mafia.

Bepolar : Votre propos porte aussi sur l’industrie chimique à laquelle vos héros vont se confronter. Comment la voyez-vous ?
Michaël Mention : Je la vois telle qu’elle se montre, c’est-à-dire peu, préférant agir dans l’ombre. Ce lobby brasse des milliards, ce qui lui permet d’influencer des politiciens, de détourner des législations. Son objectif est clair : retarder l’application des lois pour continuer le business. Or, plus la production augmente, plus on diagnostique de maladies. Je ne dis pas que tout est lié, mais il est trop facile de s’en remettre systématiquement à la génétique, et il est temps de s’interroger sur les facteurs environnementaux.

Au-delà de l’aspect scientifique, ce qui est intéressant avec ce lobby, c’est qu’il fonctionne comme une mafia. Tout y est secret, insidieux, régi par le profit et un mépris total de la vie humaine. Et quand on assassine, il le fait par mails, par propagande, à travers des études bidons et des forums « informatifs ». Dans le roman, Franck et les autres s’opposent à ce flou savamment entretenu par le lobby, une entité aussi insaisissable que les perturbateurs endocriniens.

Bepolar : Une des chroniques sur internet parle de vous comme d’un "agitateur de conscience" avec ce roman. Est-ce que cela vous convient comme qualificatif ?
Michaël Mention : Je ne me considère pas comme un « agitateur », ni un « écrivain engagé ». J’écris sur ce qui me touche, ce qui m’interroge. Souvent, j’entends dire que le sujet des perturbateurs est compliqué, et c’est précisément le but des industriels : complexifier le débat pour qu’on n’y comprenne rien. J’ai donc écrit De mort lente pour dépouiller le sujet et le rendre accessible à tous. J’aime écrire sur l’ambigu, le flou, et je veille à ne jamais faire la leçon aux lecteurs, afin qu’ils se fassent leur propre opinion. J’ai toujours agi ainsi, que ce soit dans Power, Fils de Sam ou encore La voix secrète, pour ne citer qu’eux. Et si mes personnages écoutent Prodigy et King Crimson, je m’éclate encore plus.

J’aime comprendre les faits, ça me permet de mieux aborder le monde dans lequel je vis.

Bepolar : Votre précédent roman, Power, parlait des Etats-Unis et des Black Panthers, Le Carnaval des hyènes des médias, ... Et justice pour tous de pédophiles. Qu’est-ce qui préside au choix d’un thème pour un nouveau roman chez vous ? Et est-ce qu’à chaque fois c’est l’indignation qui vous pousse ?
Michaël Mention : Ça dépend du sujet. … Et justice pour tous est un bon exemple. Comme vous, je suis profondément indigné par les crimes pédophiles, j’ai toujours voulu aborder le sujet, mais j’attendais l’idée qui me permettrait d’écrire autre chose que « la pédophilie, c’est mal ». Puis, le scandale lié à Jimmy Savile (l’animateur de Top of the Pops) a éclaté, révélant un réseau impliquant des politiciens. C’est là que je me suis lancé, car cet aspect me permettrait de boucler ma trilogie consacrée à l’Angleterre.

Je fonctionne toujours ainsi, par détours. Je n’aime pas les sujets traités au premier degré, je trouve ça facile et souvent contre-productif. J’aimerais écrire sur la politique intérieure de notre pays, j’ai été consterné par Sarkozy, Hollande, et je le suis aujourd’hui par Macron, mais je ne vois pas l’intérêt de pondre un bouquin pour détailler leurs incompétences, répéter ce qui inonde les réseaux sociaux. Oui, nos dirigeants sont pathétiques, mais ça n’a rien d’exceptionnel. Ce qui m’intéresse, c’est le pourquoi, la trajectoire qui façonne les décisions. J’aime comprendre les faits, ça me permet de mieux aborder le monde dans lequel je vis.

Dans De mort lente, j’évoque l’attentat à Charlie Hebdo, j’en avais besoin, mais depuis 2015, j’attendais le « bon sujet » pour évoquer cette tragédie. Je l’ai fait, enfin, et c’est une partie du roman à laquelle je suis très attachée, puisque elle marque un rapprochement entre les personnages.

Bepolar : Êtes-vous déjà en train d’écrire un autre roman ?
Michaël Mention : J’ai terminé le prochain, qui paraîtra chez 10-18 dans un an, et je viens de boucler une nouvelle. Je me laisse quelques jours pour profiter de ma famille, et je réfléchirai au prochain roman pour les éditions Stéphane Marsan. Il y a tant de sujets, d’émotions, de contradictions à traiter… j’ai hâte.

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