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Carte blanche pour Ingrid Desjours : Déconfinons-nous !

Site d’Ingrid Desjours : https://jeteusedencre.com

Ce qui, à mon sens, fait la qualité d’un roman au-delà de l’intrigue elle-même, c’est le message qu’il délivre en filigrane, ce qu’il dit des individus, de leurs peurs et de leurs rêves.

Depuis plusieurs semaines, nous vivons une expérience hors du commun, qu’aucun de nous ne pensait connaître un jour. Nous avons découvert un quotidien digne d’un roman de science-fiction, ou d’un thriller médical. Lors de mes ateliers d’écriture*, j’aime évoquer la trajectoire des personnages, leur évolution au fil de l’intrigue, des épreuves auxquelles ils font face. Si ces dernières semaines étaient les pages d’un roman, quelle serait la trajectoire de son personnage principal ?

J’imagine un héros ordinaire — appelons-le Johnny — menant une vie insouciante faite d’un travail qu’il aime plus ou moins, de galères, de coups de cœur, de restos, d’achats raisonnés ou compulsifs, de la liberté de se mouvoir ou d’accéder à des loisirs si son portefeuille le permet. Il est dans la force de l’âge et se dit qu’il a bien le temps de penser aux ennuis de santé qu’il aura dans trente ans ou aux conséquences de la surexploitation du vivant par l’humain. Johnny se sent fort, dans son bon droit, et estime qu’il peut courir après son destin comme un cheval sauvage si ça lui chante (oui, j’ai revu Dirty dancing pendant le confinement). Bref.

Surgit l’élément déclencheur qui va tout faire basculer : l’apparition du COVID-19, un ennemi invisible qui frappe fort, souvent, et peut s’avérer fatal. Si Johnny passe d’abord par une phase de déni, où il refuse d’embrasser son destin, notre héros finit par saisir le danger qui plane sur lui à cause de « l’autre » et sur l’autre à cause de lui.

C’est la crise. Il se cloître dans son appartement, achète de quoi tenir un siège de pâtes et de PQ, ne sort plus sans son masque ni sans faire un écart d’un mètre trente quand il croise quelqu’un. Privé de sa liberté, il déprime, noie sa peur dans l’alcool, la junk-food, les séries. Pourquoi réagit-il ainsi ? Parce qu’il s’ennuie. Parce que, face à lui-même, il constate la vacuité de son existence et se demande où est passé l’enfant, l’ado rêveur qui se projetait dans un roman d’aventure.

Et puis, il a un sursaut, un déclic. Il saisit que tout ce temps peut s’avérer une occasion en or de changer, de se rapprocher de ceux qu’il aime, de ses passions, de lui-même. Il comprend qu’il n’a pas à être confiné à une tâche, un mode de fonctionnement si ce dernier le rend malheureux. Johnny commence à évoluer. Il se déconfine psychologiquement, affectivement. Il constate qui sont ses vrais amis, ceux qui ont pris de ses nouvelles, ceux qu’il a eu envie de contacter. Il découvre la joie de faire son propre pain, même si c’est un peu con parce que le boulanger est toujours ouvert. Il se dit qu’il pourrait apprendre la poterie, le roumain, à marcher sur les mains. Il se dit qu’il pourrait aussi vivre, tout simplement. Être. Être bien. Qu’il a le droit de n’avoir envie de rien, de vouloir changer tout. Que ce n’est pas un drame s’il prend du poids, ne se rase pas, se couche à trois heures du matin. Après tout, la plupart des injonctions ne servent à rien. En ne voyant plus les autres, c’est lui qu’il découvre. Et quand arrive le 11 mai, il appréhende de se perdre à nouveau, de se noyer dans la masse, dans la routine, dans toutes ces choses qui l’ont éloigné de lui-même. La menace est toujours là, pourtant on l’extirpe de ce refuge qu’il avait pris pour une prison. Johnny est déphasé, il reste prudent, garde en tête les promesses qu’il s’est faites à lui-même.

Que va-t-il advenir de notre héros ? Va-t-il vraiment changer de vie, ou bien retourner à sa routine brutale ? Va-t-il passer entre les gouttes grâce à son masque, attraper la maladie et se remettre, ou bien va-t-il en mourir ? Seul le démiurge de cette histoire le sait et tient la vie de Johnny entre ses mains gantées.

Mais ce n’est pas l’essence de notre histoire. Ce qui importe, c’est la trajectoire de Johnny, ses prises de conscience, sa volonté d’infléchir son propre destin, ce qu’il aura mis en mouvement avant la fin.

Et c’est le cas pour chacun d’entre nous. Johnny, Ingrid, Marie, Justine, Grégor… toi. Qu’est-ce qui te confine, t’empêche, te retient ? À l’heure du déconfinement (prudemment, s’il te plaît) quel bilan peux-tu dresser ? Qu’est-ce qui est important, essentiel pour ton bonheur ? De quoi n’as-tu plus besoin ? Nous rêvons tous d’un « monde de demain » parfait, respectueux, harmonieux, débarrassé des vices de l’humanité. Mais pour y parvenir, je crois qu’il est nécessaire que chacun d’entre nous se libère de ce qui le corrompt, l’emprisonne, l’étouffe. Alors, déconfinons nos esprits, nos rêves, nos cœurs. Pour qu’avant le mot fin, notre histoire soit merveilleuse.

Ingrid Desjours


*Lien de mes ateliers d’écriture https://jeteusedencre.com/ateliers-decriture/participer/
Petit scoop pour BePolar : j’envisage de lancer un atelier à distance qui sollicitera les expériences, pensées, émotions qu’on eut les participants pendant la pandémie… Ce sera à la fois un bel exercice de création littéraire mais aussi un acte très libérateur.

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