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Hommage à M.C. Beaton

Une grande dame du polar nous a quitté fin 2019. Son nom ? Marion Chesney Gibbons, plus connue en France sous son alias, M.C. Beaton, l’auteure de la saga « Agatha Raisin » qui cartonne ces dernières années.

Vous ne voyez pas de qui on parle ? Nous sommes prêts à prendre les paris que si ! En librairie, impossible de passer à côté de ces livres bien repérables pour leur style si délicieusement britannique : titres surannés voire volontiers ironiques (La quiche fatale, Pas de pot pour la jardinière…), couvertures illustrées rappelant l’arrière-pays anglais, typographies et couleurs en couverture correspondant davantage aux canons anglo-saxons qu’aux nôtres… Une vraie touche d’exotisme d’outre-Manche !

A moins que vous n’ayez en tête la série télévisée made in Britain diffusée depuis 2017 sur France 3 où la pétillante actrice Ashley Jensen, carré arrondi (!) et frange blonde, incarne une énergique quinqua qui décide de quitter Londres et son agence de communication pour gagner la tranquillité de la campagne anglaise… et se trouve embarquée dans des enquêtes farfelues ! Pour les amateurs, cela fait parfois penser à un étrange mélange entre Arabesque et Desperate Housewives (au passage une série à la profondeur souvent mésestimée).

Et pourtant il s’en est fallu d’un rien que le public francophone passe complètement et définitivement à côté de ses œuvres… D’un rien ou plutôt d’une inspiration, celle d’Anne Michel, éditrice émérite chez Albin Michel. La directrice du département étranger de la maison de la rue Huyghens, la femme derrière les succès Jussi Adler Olsen ou Lisa Gardner, a pris le pari de publier une auteure qui ressemblait, pour les connaisseurs du polar international, à une cause perdue.

Une cause perdue ?! Oui, car MC Beaton présentait a priori plusieurs handicaps pour le marché francophone : des références et un humour typiquement britanniques, l’absence de chef-d’œuvre incontournable capable d’entraîner les lecteurs, des intrigues dont la qualité première n’est pas l’originalité, un auteur qui aime mélanger les genres (romance et historique se lient au polar), des livres qui ne semblent pas forcément dans l’air du temps (on compare Agathe Raisin à la Miss Marple d’Agatha Christie), une auteure vieillissante et très prolifique (presque 150 œuvres publiées en anglais sous de multiples pseudonymes)… Des éléments peu rassurants pour un éditeur à l’heure ou l’offre de polars est pléthorique et la prise de risque éditoriale assez peu souvent récompensée.

Oui, mais voilà, c’est oublier les qualités évidentes de MC Beaton, qui lui ont valu un large succès international (on parle de 21 millions d’exemplaires vendus dans le monde tout de même) et les joies (?) de l’adaptation audiovisuelle. En résumé, on pourrait dire que ses œuvres jouent sur le paradoxe, le contraste, la subtilité des personnages, trois critères qui peuvent se révéler déterminants pour obtenir un succès grand public.

Cela tient à la personnalité, au parcours et aux influences de Beaton. Derrière son sourire espiègle de vieille dame se cache un esprit vif qui déborde d’ironie, forgé par une riche carrière en tant que libraire, critique de théâtre, éditrice ou journaliste. Une vie tantôt citadine tantôt rurale, de son Glasgow natal à Paris, de l’Angleterre rurale et éternelle des Cotswolds aux États-Unis.

Le paradoxe provient de l’impression première d’intrigues « à l’ancienne », très « vieille Angleterre ». L’auteure en joue allègrement, brouillant les pistes à loisir. Son personnage principal ? Agatha Raisin est un hommage à peine déguisée à la reine du polar « classique », Agatha Christie, à qui elle emprunte son prénom. Comme son illustre prédécesseur, elle a accolé un nom de famille, Raisin, qui « sonne français ».
Vous en doutez encore ? Beaton fait naître son héroïne Agatha Styles, qui est le nom de la demeure dans laquelle se déroule le première intrigue de Christie, la fameuse Mystérieuse affaire de Styles. Les aventures d’Agatha Raisin se déroulent dans un village typique des Cotswolds, cette région indissociable de l’image qu’on se fait de l’Angleterre rurale. Un personnage inspiré de Christie, femme célibataire, dans un vieux village anglais ? Il n’en fallait pas plus pour parler de « Miss Marple moderne » !

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Et pourtant la comparaison est tronquée : contrairement à Marple, Agatha n’a rien d’une vieille fille, elle ne résout pas les affaires en réfléchissant posément, assise sur son canapé. C’est une femme dynamique et attentive à son allure, entre deux âges, sensible aux charmes de l’autre sexe, qui mène ses enquêtes apparemment sans méthode, au bluff et au culot et même, à en croire les personnes qui l’entourent, avec beaucoup de chance. Tromperie sur la marchandise, alors ?
Pas du tout, c’est une des parties de l’équation car c’est par les contrastes que Beaton captive son public, celui entre la ville et la campagne, entre la sobriété, la retenue d’antan et les caractères plus modernes, exubérants, connectés, indépendants mais si sensible au jugement de la communauté ; c’est un miroir de la société anglaise contemporaine qui se joue de son image, de celle qu’elle a du passé et de celle qu’elle aimerait avoir d’elle-même.

En cela, plus que dans les intrigues, Beaton réussit avec talent à « parler » à son lectorat car les personnages lui sont familiers, voire lui ressemble, elle décrit tout en subtilité et via des personnages archétypiques la psyché d’une époque, ses attentes, ses petits défauts. Et on retrouve alors à la fois le charme de la bonne histoire, ce folklore, cette touche d’ironie britannique qui nous fascinent et des aventures aux accents résolument modernes.

Si le succès en France d’Agatha Raisin peut finalement s’expliquer grâce à cette combinaison fructueuse, il ne faut pas également minimiser le rôle sûrement décisif qu’a pu avoir l’adaptation en série TV. Pas sûr que l’autre grande série de Chesney/Beaton, Hamish MacBeth, un débonnaire policier des Highlands épris de sa collègue, plus spécifiquement au goût britannique, puisse un jour prétendre au même engouement. Mais l’histoire a déjà donné tort à bien des pronostiqueurs…

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