Commandant Solane est le deuxième roman de Jérémie Claes, un polar percutant autour de la mort de 42 migrants sur une plage du sud de la France... Interview...
Bepolar : Comment est née l’idée de ce deuxième roman ?
Jérémie Claes : L’idée est née notamment de ma rencontre avec un jeune réfugié de 16 ans qui avait traversé l’Afrique et la Méditerranée dans des conditions effroyables. Il avait subi les geôles libyennes, son oncle était mort noyé, il avait tout vécu, et il m’a tout raconté. Ça dépassait de loin ce que je savais du drame migratoire, et j’ai voulu le raconter.
Bepolar : Le drame du départ est affreux : 42 corps retrouvés morts sur une plage, tous migrants. C’est un sujet qui vous touche ? Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en parler ?
Jérémie Claes : Le sujet me touche, me bouleverse même. Je ne comprends pas comment l’Europe peut laisser mourir des êtres humains en toute froideur, de manière presque technique. Je suis humaniste, et en tant que tel, je ne peux accepter que nos démocraties agissent (ou n’agissent pas) de telle sorte. Par ailleurs, j’ai vu il y a quelques années le sujet d’un journal télévisé belge qui évoquait l’échouage de quelques dizaines de noyés sur une plage de Tunisie, au milieu des touristes, et qui traitait l’info sous l’angle suivant : « Les vacances gâchées des touristes belges en Tunisie ». J’en suis resté pétrifié, et très en colère.

Bepolar : Tout cela se déroule dans un département aux mains de l’extrême droite, peu pressée de résoudre cette affaire. Vous vouliez mettre de la politique dans tout ça ?
Bien sûr ! C’est inévitable. Mais plus que de politique, il s’agit de valeurs. La liberté, l’égalité et la fraternité ont un sens pour moi (et je suis belge) ! Je lutte donc à ma manière aussi contre un parti, le RN, qui bafoue quotidiennement ces valeurs, qui est à l’opposé de tout ce en quoi je crois. Je pense aussi que l’époque ne nous laisse pas le choix. Il faut qu’on puisse entendre aussi ce que l’humain a de bon, d’altruiste, de lumineux. On ne peut pas laisser le terrain aux salauds.
Bepolar : Il y a aussi de l’humour noir, qui apporte des sourires. Vous vouliez un contrepoint à l’ambiance pesante ?
Jérémie Claes : L’humour, c’est mon arme, depuis toujours. Il est très efficace contre ceux qui sont mortellement sérieux. Et oui, encore une fois, j’ai voulu opposer un peu de lumière et de joie à l’obscurantisme.

Bepolar : Le rythme est assez élevé avec pas mal d’action. Comment travaillez-vous l’intrigue de vos romans ?
Jérémie Claes : J’écris mes romans sans plan, avec une idée assez générale. Tout s’entremêle de manière très organique quand on laisse évoluer les personnages et l’intrigue sans entrave, sans contrainte, sans rigidité. Le roman en devient paradoxalement plus solide. Et puis, c’est de l’instinct, de la sensibilité. Si je sens que mon récit trépigne, je passe la deuxième et je pousse le moteur dans le rouge. Je m’amuse comme un môme avec ses petites voitures.
Bepolar : Bernard Solane, vieux flic français anarchiste et épicurien, va enquêter. C’est sa deuxième aventure après L’Horloger. Comment pourriez-vous nous présenter ce personnage ? Quels liens avez-vous avec lui ?
Jérémie Claes : Solane est l’inverse de l’archétype du flic tourmenté. Il déborde de tendresse et d’humanité, et ne supporte pas les cons, ce qui est finalement très sain. Il jouit de ce que la vie lui offre : les copains, la bouffe, le pinard. En revanche, il a un grand sens de la justice, et sera prêt à se battre jusqu’au bout pour qu’elle triomphe. Je me suis inspiré de l’un de mes meilleurs amis, mon mentor, un type extraordinaire qui est hélas décédé récemment. Maintenant, je lui rends hommage, et je décide de le laisser vivre encore un peu, en ma compagnie et celle des lecteurs.
De bons personnages avant tout. Le reste vient avec eux.
Bepolar : Il y a également Jasmine et Moussa. Parlez-nous de ces deux personnages.
Jérémie Claes : Jasmine est inspirée de Cédric Herrou, l’agriculteur de la Roya qui vient en aide aux réfugiés depuis des années et qui subit les pires emmerdes de la justice et des politiques de la région. Il gagne ses procès, mais le prix à payer est exorbitant. Comme celui que paye l’association Tous citoyens ! Des héros, ce sont tout simplement des héros. Moussa, lui, c’est l’alter ego du jeune réfugié dont je parlais plus haut, et qui a décidé de garder l’anonymat. C’est lui aussi un héros malgré lui, et un garçon extraordinaire.
Bepolar : Le livre vient de sortir, quels sont vos projets ? Sur quoi travaillez-vous ?
Jérémie Claes : Je bosse sur mon troisième roman, tous les jours, avec joie et acharnement. Je n’en dis pas plus, je me rends compte que je deviens superstitieux ! Par ailleurs, je suis en pleine tournée de promotion pour Commandant Solane et L’Horloger. Je n’ai pas beaucoup de répit, mais j’adore ça.
Bepolar : Qu’est-ce qui fait un bon polar ?
Jérémie Claes : De bons personnages avant tout. Le reste vient avec eux. Et peut-être une idée, un angle d’attaque original. Une tension, aussi, qui nous empêche de refermer le bouquin. Mais il y a tellement de sortes de polars différents, tellement de styles. Pas sûr qu’il y ait une recette. À part celle du cassoulet, dirait Solane.



























































































































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