L’histoire est bien connue. Elle a d’abord marqué l’opinion publique, puis inspiré nombre d’articles, de livres et de films. Le 13 octobre 1972, le vol Fuerza Aérea Uruguaya 571, qui devait acheminer les passagers de Montevideo à Santiago, s’est interrompu brutalement dans la cordillère des Andes. L’avion s’est disloqué au milieu des montagnes, des personnes sont mortes lors du crash ou durant les heures qui ont suivi, mais d’autres ont survécu dans des conditions absolument inhumaines, accablées par le froid et le faim.

Sans s’étendre sur les moments qui ont précédé le drame, Le cercle des neiges prend le temps d’étirer ce long calvaire de plusieurs semaines où des êtres humains, prisonniers d’un décor aussi majestueux qu’effrayant, sans aucun moyen de se signaler pour qu’on leur vienne en aide, ont été contraints d’avoir recours à l’anthropophagie afin de garantir leur subsistance. Cette situation radicale engendre évidemment un dilemme absolument terrible, dont quelques séquences donne à voir la réalité concrète, certains individus ne se résolvant pas, du moins dans un premier réflexe, à dévorer la chair des morts dont la décomposition est ralentie par les effets du froid.
Fallait-il pour autant que la mise en scène fonctionne à l’unisson de ce qu’elle dévoile ? C’est bien la question, car la situation atroce n’avait pas besoin d’un surlignage : or, le film fait tout ce qu’il faut pour être à la hauteur de la réalité qu’il raconte, sans comprendre que les images courront toujours après l’indicible, même si elles restituent soigneusement d’impressionnants événements comme un crash, une avalanche, même si elles recomposent la carcasse de l’avion en tant que refuge et prison pour organiser une sorte de huis clos entre les personnages.

Plutôt que de feuilleter les étapes d’une lente agonie comme les chapitres d’une fiche Wikipédia, Le cercle des neiges aurait gagné à ellipser les séquences les plus spectaculaires pour nous faire sentir le degré d’épouvante d’une tragédie qui se passe justement de mots (parfois pontifiants) et d’images fortes.
A la manière des protagonistes qui s’aveuglent en regardant la neige étincelante, le long métrage croit qu’en épousant formellement son sujet, il lui est absolument fidèle. Erreur fatale.