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#Mafia : « Tokyo Vice » de Jake Adelstein

N°21 au palmarès des meilleurs livres du crime organisé selon BePolar

Le temps est venu d’explorer les mafias du monde, la Cosa Nostra italo-américaine n’étant peut-être plus la plus puissante de nos jours. Et quoi de plus logique que de commencer par les très influents syndicats de yakuzas japonais avec la passionnante enquête de Jake Adelstein, intitulée Tokyo Vice ?

L’histoire :

« Parfois, mieux vaut avoir de la chance que d’être bon. » Quand Jake Adelstein intègre en 1993 le service Police-Justice du plus grand quotidien japonais, le Yomiuri Shinbun, il n’a que 24 ans et il est loin de maîtriser les codes de ce pays bien différent de son Missouri natal. À Tokyo, il couvre en étroite collaboration avec la police les affaires liées à la prostitution et au crime organisé. Pour cela, il n’hésite pas à s’enfoncer dans les quartiers rouges de la capitale, dans les entrailles du vice et de la décadence. Approché par les yakuzas, il devient leur interlocuteur favori tout en restant un informateur précieux pour la police. Une position dangereuse, inédite et ambivalente, aux frontières du crime, qui incite Jake Adelstein à entrer dans un jeu dont il ne maîtrise pas les règles.

Pourquoi ce livre est important :

Tokyo Vice, c’est d’abord une forme littéraire originale : roman initiatique d’un journaliste en train de s’accomplir, reportage, documentaire de société, polar de mafia, témoignage sur la société nippone contemporaine, il est tout ceci à la fois. Son engagement, sa partialité, son humour, la mise en scène de son narrateur en font un exemple typique de « nouveau journalisme », ces narrations qui se situent entre l’enquête et la littérature de non-fiction.

C’est ainsi le Tokyo subjectif d’Adelstein qui nous est livré, la vision d’un occidental, un gaijin (« étranger ») qui passa douze ans à se fondre dans une culture fermée, qui nous dévoile ses usages, ses observations, ses combats. Si la vision est forcément déformée, cela n’en reste pas moins une vraie performance : l’auteur devient sous nos yeux un journaliste d’investigation nourri par deux cultures, le premier étranger à avoir intégré la rédaction du prestigieux Yomiuri Shinbun, le quotidien le plus lu de la planète (26 millions de lecteurs).

Tokyo Vice est aussi l’occasion de découvrir l’une des mafias les plus puissantes au monde (au moins en termes d’effectifs, estimés à 40 000 membres), codifiée à l’extrême, qui possède de nombreuses spécificités dont le fait de s’afficher dans l’espace public n’est pas la moindre. Comme ses consœurs internationales, des bandes organisés qui ont largement perdu leur vernis de respectabilité, leur aura romanesque, leur code d’honneur (par exemple ne pas tuer de civils), où la quête effrénée d’argent justifie désormais les pires exactions : traites multiformes d’êtres humains, corruption généralisée, violence exacerbée. Dans un pays bien moins policé que l’on imagine, si elles sont toujours craintes, elles sont bien moins respectées qu’avant.

Car c’est aussi un Japon méconnu et en mutation que l’on (re)découvre. Si on savait le pays fortement empreint de traditions, avec un monde professionnel déboussolant (relire Stupeur et tremblements d’Amélie Nothomb), on s’étonne de voir un étranger « faire son trou » dans un prestigieux journal réputé pour son conservatisme.

Son intégration ne se fera certes pas sans mal : respect strict de la hiérarchie, horaires de travail extensibles, rapports difficiles avec la police, ambigus avec les yakuzas, difficultés d’établir des relations de confiance avec des informateurs… On est davantage surpris par la violence sourde de la société japonaise : mort dans l’indifférence générale d’un policier intègre atteint d’un cancer, suicide d’une collègue journaliste injustement placardisée, disparition soudaine d’une indic prostituée…

Et c’est là que ce livre trouve sa pleine justification, sa profonde humanité : c’est une dénonciation salutaire des méfaits de la mafia. L’auteur s’engage, dénonce le commerce sexuel en livrant des témoignages édifiants de prostituées, fera son maximum pour faire chuter « l’empereur des vautours » qui accorde des prêts à taux abusifs à des personnes surendettées, s’attaquera au parrain de la plus puissante organisation mafieuse de l’archipel, le Yamaguchi-gumi, ce qui lui vaudra de sérieuses menaces puis son « exil », d’abord de son journal puis du pays.

Car, au-delà du mythe populaire, il faut sans cesse rappeler la prosaïque vérité : les yakuzas, comme les autres mafiosi, manipulent, arnaquent, volent, menacent et tuent pour leur seul intérêt égoïste. On laisse le mot la fin au précieux Roberto Saviano, auteur de Gomorra, l’indispensable enquête à succès sur la mafia napolitaine : « Tokyo Vice est un récit inestimable, féroce et rigoureux. Adelstein décrit la mafia japonaise comme personne. »

Ce qu’il faut retenir (pour briller en société) :

1. Mais d’où vient et que signifie le terme yakuza ? Il existe deux interprétations : la première fait apparaître le mot sous le shogunat des Tokugawa (1603 – 1867) et serait tirée d’une combinaison perdante d’un jeu de carte populaire, façon plutôt poétique de signifier que les membres de la mafia sont les perdants de la société, issus des classes pauvres ; une autre version fait des yakuzas (« rôle de la chaise ») les guetteurs devant les salles de jeux clandestines placées au sein des temples Shinto. A vous de choisir votre version préférée !

2. L’éditeur de Jake Adelstein dans les territoires francophones est une jeune et dynamique maison, Marchialy. L’occasion de saluer le travail remarquable de ces éditeurs passionnés : superbe illustration de couverture sous forme de gravure d’art, titres des chapitres verticaux à la japonaise, notes et commentaires non pas en bas mais à côté du texte. Une mise en page entre tradition et modernité qui fait écho à un travail éditorial exigeant. Une vraie réussite !

3. Une adaptation de Tokyo Vice en série télévisée serait à l’étude et Daniel Radcliffe serait pressenti pour jouer le rôle principal. Oui oui, on parle bien de l’acteur qui a incarné pendant plusieurs années l’iconique Harry Potter !

4. Intéressés par le monde des yakuzas ? On vous recommande chaudement Le dernier des yakuzas du même Jake Adelstein, qui monnaya sa protection contre cette passionnante biographie d’un mafioso japonais. Mais aussi Mémoire d’un Yakuza de Saga Junichi (éditions Philippe Picquier), l’histoire vraie d’Ijichi Eiji telle qu’il la confia à son médecin avant de mourir, à la fin des années 1970. Idéal pour découvrir la mafia japonaise avant la période décrite par Adelstein.

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