N°46 DU TOP 100 DES MEILLEURS THRILLER DE BEPOLAR

Cette chasse à l’homme, tant brutale qu’intensément pacifiste et lyrique, déconstruit le survival avec fougue. Du (très) grand Skolimowski.
Avec : Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner
Année : 2010
De quoi ça parle ?
Mohammed, incarcéré en Afghanistan par les forces américaines, réchappe in extremis d’un violent accident pendant un transfert. Il prend aussitôt la fuite dans une forêt mystérieuse avec à ses trousses des mercenaires prêts à tout pour l’éliminer...

C’est culte parce que…
Bien plus subtil et profond qu’un film comme "The Revenant" – trop engoncé dans ses certitudes esthétiques – Essential Killing reflète le manifeste d’un cinéma radical et en proie à une espèce de frénésie artistique. Dans cette course vers la survie où même les moyens techniques les plus sophistiqués (armes dernier cri, hélicoptères...) ne suffisent pas à entamer le souffle de résistance du héros, la fatalité apparaît dans sa cruelle inflexibilité : c’est la nature, impassible, qui demeure indifférente à la violence humaine. Skolimowski exprime en cela l’idée d’un profond pacifisme.

L’on pourrait croire un instant pour la dynamique sensorielle du film que le réalisateur polonais cède (comme Iñárritu avec The Revenant ) juste à une expérience de trip méta entre paradis perdu et nature retrouvée. Mais là où le cinéaste mexicain se contente surtout d’emprunter directement des plans tirés du cinéma de Tarkovski ou de Malick, Skolimowski invente une matière instinctive et animale. Rien n’est calcul, tout n’est que pulsion créatrice. Le scénario se réduit au minimum là où les images, alcalines et d’une beauté virginale, recherchent l’exigence par l’épure et non par une virtuosité
autocentrée. L’existence est une lutte, semble dire modestement Skolimowski à travers cette trajectoire fulgurante et hypnotique. Mention spéciale pour l’interprétation géniale de Vincent Gallo, à la fois capable de traduire la souffrance physique et l’épreuve spirituelle.

Ce que le film apporte au thriller
Tendu d’un bout à l’autre, Essential Killing montre que les meilleurs films d’action hollywoodiens ne pèsent pas lourd face à un film d’auteur engagé à la folie dans sa radicalité formelle. Le film s’avère également un thriller mutique essentiel où le protagoniste au regard de loup – proie et prédateur – se défait peu à peu de son animalité pour (re)trouver au bout du compte son humanité souterraine.